Golf du Maroc est allé à la rencontre des femmes qui ont marqué le golf marocain. Comment était le golf féminin marocain à leurs débuts ? Quels regards portent-elles sur leurs héritières aujourd’hui ? Et qu’en est-il de la relève? Témoignages.
Maha, un modèle national
Au Maroc, les hommes sont beaucoup plus nombreux que les femmes à pratiquer le golf. Paradoxalement, c’est une femme, Maha Haddioui, qui figure aujourd’hui en haut de l’affiche, au niveau international. Elle occupe actuellement, la 19ème place du classement du Ladies European Tour. Maha Haddioui se souvient qu’à ses débuts, « il y avait déjà deux femmes qui jouaient en tant que professionnelles donc je n’arrivais pas sur un terrain vierge (la Princesse Lalla Soumaya et Mounia Amalou, NDLR) ». Et de poursuivre : « Je pense que cela m’a poussée à vouloir avancer ».
Sur son regard sur le golf féminin marocain, elle affirme que cela avance dans le bon sens. « J’ai eu le plaisir de jouer avec Inès Laklalech qui a un super potentiel. Lina est passée pro l’année dernière. Il y a de jeunes golfeuses qui s’entraînent dur. La fédération fait du bon travail pour les accompagner », reconnaît Maha Haddioui. Elle dit être fière que la Fédération et l’ATH n’aient jamais fait de différence entre elle et les hommes : « ils donnent la même importance au golf féminin que masculin et on en voit aujourd’hui les fruits ».
Les pionnières
Mais avant elle, d’autres femmes ont écrit les premières pages de l’histoire du golf féminin marocain. A commencer par Son Altesse Royale Feue la Princesse Lalla Aïcha, sœur de Feu Sa Majesté le Roi Hassan II. Cette dernière, qui a tiré sa révérence en 2011, fut parmi les premières Marocaines à savoir manier un club. En effet, l’histoire du golf au Maroc est intimement liée à celle de la famille royale et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’un des tournois du Ladies European Tour a été nommé en son hommage : le Lalla Aïcha Tour school. Khadija Cheddadi, également parmi les premières Marocaines à fouler les greens se souvient : « j’ai souvent eu l’occasion de jouer avec S.A.R. Lalla Aïcha. Elle a toujours déployé de nombreux efforts pour la démocratisation du golf. Le Maroc a la chance d’avoir une famille royale qui soutient le développement dans tous les secteurs, et le golf en fait partie ». Cette pharmacienne, qui est à l’origine du premier Trophée de la Femme au golf de Benslimane en 1998, a commencé le golf en 1975. « Il y avait très peu de Marocains, la plupart des golfeurs étaient des Européens », raconte-t-elle. Mais peu importe, Khadija Cheddadi décide de prendre des cours. « J’allais au golf d’Anfa le matin pour mon cours. Les mercredis, avec les enfants, j’allais à Mohammedia pour m’entraîner ». Elle continuera à travailler son jeu jusqu’à faire du golf une véritable passion. « J’ai un amour particulier pour ce sport. Et si je n’étais pas mariée, avec des enfants, j’aurais sans doute fait carrière », confie-t-elle. Mais pour cette dernière, le golf est un sport qui se joue en famille. Et Khadija Cheddadi a fait de nombreuses fois preuve d’ingéniosité pour donner le goût de la balle blanche à ses enfants. « A l’époque, il n’existait pas encore de clubs pour enfants donc j’amenais les anciens clubs chez le forgeron qui coupait les manches pour l’adapter aux enfants », décrit-elle. Et quand les premiers sacs en plastique de golf pour enfants font leur apparition, Khadija Cheddadi en distribuera autour d’elle pour faire découvrir aux autres enfants les valeurs de ce sport. « Je faisais tout pour semer la graine du golf dans l’esprit et le corps des Marocains. C’est un sport à travers lequel on apprend un savoir-faire mais également un savoir être. De plus on éprouve un bonheur extraordinaire quand on y joue » raconte-t-elle. Car selon elle, la discipline va bien au-delà des considérations hommes femmes : « je refuse de mettre des hommes et des femmes dans des cases, le golf est surtout une histoire de passion à la portée de tous ceux et toutes celles qui veulent s’y impliquer ».
Beaucoup de compétitions
Zineb Bennani Smires, elle aussi, fait partie des pionnières du golf féminin marocain. Elle aussi a commencé à jouer au golf en 1975.
« A l’époque, nous étions peu nombreuses. C’était magnifique. On passait des weekends extraordinaires durant lesquels il y avait tout le temps des compétitions. C’était très convivial », se souvient-elle. Mme Bennani Smires se dit très heureuse d’avoir découvert ce sport. Elle va même jusqu’à dire : « le golf m’a sauvé la vie parce qu’aujourd’hui encore, à mon âge, je suis en bonne santé. Je continue à jouer, à marcher. C’est un sport extraordinaire ».
Aujourd’hui, Zineb Bennani Smires continue de jouer mais ne fait plus de compétitions. Toutefois, elle se réjouit de voir qu’il y a des jeunes qui débutent, des garçons et filles qui commencent à jouer à partir de 7 ans. « C’est merveilleux », commente-t-elle.
Mais pour Habiba Tajjedine, une des doyennes des parcours marocains, il faudrait, rendre au golf son dynamisme de l’époque» pour cela, lui rendre son dynamisme de l’époque. « Le golf était beaucoup plus vivant, au Maroc comme à l’international. Les sponsors et les tournois étaient nombreux. Au Maroc, il y avait plusieurs compétitions dont la plupart étaient organisées par des sociétés privées, banques et autres organismes, comme Les Souverains d’or de la Société Générale que j’ai gagnés, le Trophée Maroc Télécom et plusieurs autres… tous ces tournois n’existent plus », regrette Mme Tajjedine. Primée de nombreuses fois du titre de championne du Maroc, cette dernière a commencé le golf dans les années quatre-vingt-dix. « Il n’y avait pas beaucoup de femmes marocaines qui jouaient au golf », se rappelle-t-elle. Mais il en faut plus pour arrêter Habiba Tajjedine qui a représenté le Royaume à l’international plus d’une fois. « Mes voyages ont été nombreux. J’ai participé au Trophée Givenchy, Madame Figaro et BMW… On avait même fini deuxième avec Bernardt Langer au pro-am du Trophée Lancôme », se souvient-elle. Mais une carrière professionnelle n’était pas envisageable à l’époque. « Le mari de la Princesse Feu Lalla Aïcha, alors Président de la FRMG, nous avait proposées, à Lalla Soumaya El Ouazzani, Malika Demnati, Mounia Amalou et moi, de passer les cartes professionnelles mais, étant mariée, avec des enfants, je ne pouvais pas courir les tournois à travers le monde», explique cette dernière. « C’était en 1996 si mes souvenirs sont bons, au Portugal. Finalement, la Princesse Lalla Soumaya et Mounia Amalou y sont allées », raconte Mme Tajjedine. Elle se réjouit de voir aujourd’hui Maha Haddioui représenter « dignement » le Maroc au niveau professionnel.
D’autres ont également brillé telles que Raja Hasnaoui, l’actuelle présidente de la Commission Féminine de la FRMG, qui a commencé le golf en 1984. Elle raconte « Ce sport m’a plu tout de suite et j’y rencontrais de nombreuses femmes. Entre nous, on s’encourageait. C’était vraiment formidable. Il y avait une très bonne ambiance bien qu’on ne fût pas très nombreuses à l’époque ». Mme Hasnaoui décide alors de capitaliser sur ces tournois pour organiser des rencontres entre femmes. Elle intègre le Comité dirigeant du RGAM de l’époque, présidé dans les années 2000 par Mohamed Bennani Smires, avant d’entrer à la Fédération Royale Marocaine de Golf. « Au départ, on était neuf mais le cercle s’est vite agrandi» se remémore Raja Hasnaoui qui a représenté également le Maroc à l’international : au Mercedes Trophy, au All Africa Challenge Trophy ainsi que dans d’autres tournois, en Angleterre, en France, en Australie…
Trophée de la femme et le Women’s Golf Day
Alors que le Trophée de la Journée de la Femme se disputait avant à Benslimane, Raja Hasnaoui participera à son organisation au RGAM avant qu’il ne soit élargi à tous les clubs. « Au niveau de la Fédération, nous nous étions fixés des objectifs. Elle inscrit ainsi la Journée de la Femme dans la promotion du golf féminin. Il y avait trois dates clés : le 10 octobre qui est la Journée nationale de la Femme Marocaine décrétée par le Roi Mohammed VI, à l’occasion de laquelle nous organisons un tournoi et le 8 mars Journée internationale des Droits des Femmes que nous avons introduite dans le programme fédéral pour qu’elle se joue au niveau national. Nous y avons ajouté le Women’s Golf Day, il y a maintenant cinq ans. Nous avons ainsi trois événements au niveau fédéral dédiés exclusivement aux femmes », fait valoir la Présidente de la Commission Féminine de la FRMG. Et d’ajouter que « le véritable objectif est d’augmenter le nombre de pratiquantes ».
Ainsi, dans le cadre des Women’s Day, des séminaires et des initiations au golf ont été organisés à l’Université Al Akhawayn à Ifrane, mais également à Settat. D’autres événements étaient prévus notamment à Benguerir mais la pandémie du coronavirus a tout chamboulé. Cependant, il en faut plus pour arrêter Raja Hasnaoui qui compte « aller vers les clubs et les encourager à adopter la mixité dans les institutions publiques».
« Former les jeunes filles aux métiers du golf »
Madame Hasnaoui regrette également que le Maroc ne compte qu’une seule arbitre femme, en la personne de Mounia Amalou. Afin d’y remédier, elle suggère de former les jeunes filles aux métiers du golf.
Mais Raja Hasnaoui n’en est pas pour autant peu fière de la place de la femme marocaine dans le golf. « aujourd’hui, il y a Maha qui est sur le Ladies European Tour. Lina Belmati qui est devenue proette et Inès Laklalech ne devrait pas tarder».
Lina et Inès, la relève
En effet, ces deux jeunes golfeuses font déjà parler d’elles et font partie de la relève du golf féminin marocain. Lina Belmati, 24 ans vient d’ailleurs de passer le statut de professionnelle. « Je me suis donnée comme challenge de me mesurer aux professionnelles car ce n’est pas la même pression que quand on est amateur », déclare celle qui a commencé le golf en 2012 et qui souhaiterait « suivre les pas de Maha Haddioui ». Même son de cloche pour Inès Laklalech, 23 ans, qui attend de passer les cartes du LET. « Ils n’ont pas encore annoncé les dates pour passer les cartes mais ce sera fin 2021 voire début 2022 », regrette-t-elle. Ayant joué avec Maha Haddioui, il y a quelques semaines en Arabie Saoudite, Inès trouve que « Maha a fait sa meilleure saison sur le LET cette année, ce qui est inspirant pour beaucoup d’entre nous. Avoir un modèle national comme Maha, c’est très encourageant» analyse-t-elle. Mais elle regrette qu’il n’y ait pas assez de joueuses même si de plus en plus de filles s’inscrivent maintenant dans les clubs . « A mes débuts, dans mon club, nous n’étions que deux. Maintenant, quand je vais dans les clubs, je vois des dizaines de filles qui viennent jouer, et je trouve ça très bien». Pour augmenter la base de filles, elle suggère aux académies de nouer des partenariats avec les écoles pour initier le maximum de jeunes au golf.
«Certaines académies le font déjà mais ce n’est pas suffisant », conclut la golfeuse de 23 ans.